... enfin presque.
Que je vous explique:
J'ai un rapport très irrationnel avec la peur. En réalité, je suis agoraphobe. J'ai mis 20 ans à le comprendre, à être diagnostiquée, puis à obtenir des pistes pour avancer. 20 années où j'ai lutté contre mon propre esprit, mon inconscient et mon instinct. 20 années à développer des techniques d'évitement tellement efficaces que très peu de personnes dans mon entourage sont au courant de ma phobie sociale.
Durant ces 20 années, je n'ai eu que 2 crises graves. La première à la suite d'un choc émotionnel important, la deuxième après un burn-out. Chacune de ces deux crises m'a clouée sur place. Je n'ai pas pu sortir de chez moi pendant 1 bon mois. Même aller jusqu'à la boîte aux lettres était une épreuve. A chaque fois, je me suis relevée seule, en faisant une pseudo thérapie comportementale maison: je peux le faire, tout va bien se passer, j'avance d'un pas par jour etc...
J'ai lu tout ce qui existait sur la question. Sur la peur aussi. Puisqu'il s'agit de cela, même si cette ou ces peurs là ne sont que ressenties et pas réellement définissables. J'ai réussi à faire des études, à travailler, élever des enfants. Je sors normalement si tant est que je sois accompagnée. Je passe même des journées sans y penser.
Je me rends compte que j'ai adapté ma vie à cette phobie. Je ne prends jamais le volant sur l'autoroute (heureusement la question ne se pose pas vraiment ici), je ne fais les courses qu'avec chéri (ou ma maman si elle a elle aussi besoin de sortir), je ne vais pas aux réunions parents-profs, j'ai des trajets très précis qui évitent les tunnels, mes déplacements dans le bâtiment où je travaille sont calculés...Sans me rendre compte, tout ce que je fais est maîtrisé. Un imprévu et tout se complique. Entre alors en jeu mes techniques de relaxation et un gros travail de raisonnement, ou alors une fuite en avant.
L'agoraphobie c'est du quotidien. C'est comme être allergique, ça vous suit toute votre vie. Pour moi, cela évolue en fonction de mon état de fatigue, le stress que je ressens, mon état de santé. Parfois j'ai une pêche d'enfer et je suis prête à tout, parfois prendre la voiture est une épreuve.
J'ai été soignée pour spasmophilie, puis pour hypoglycémie et enfin arythmie cardiaque pendant très longtemps, jusqu'à ce qu'un malaise me conduise une fois de plus aux urgences, et qu'un médecin finisse par comprendre que l'arythmie n'était qu'un symptôme. Je le savais. Mais le fait que quelqu'un mette des mots sur ce mal là m'a permis d'affronter mes démons.
J'ai cherché des explications avec un psy, il y a des ombres dans mon histoire de famille qui pourrait être une origine plausible à ce genre de troubles. Et puis ma mère est une angoissée chronique, qui a souffert toute sa vie de phobies diverses et variées: peur panique de l'eau, des souris, du milieu médical. J'ai pu me débarrasser de certaines peurs qu'elle m'avait inconsciemment transmises: j'ai une piscine, j'ai eu des rats, je me suis lancée dans la PMA...Mais l' agoraphobie, la mienne en tout cas, ressemble à ces peurs intergénérationnelles, celles qui viennent de plus loin dans l'arbre généalogique. J'ai peur de ce dont un ancêtre a eu peur. Mais je ne sais pas encore quoi. J'ai une idée. Mais étonnament, j'ai arrêté mes recherches quand j'ai été près de comprendre.
Je crois que je vais les reprendre, ces recherches.
Quand je me retourne sur ma vie, je me rends compte de son incohérence: j'ai vécu un mariage difficile, un divorce tout autant, une nouvelle rencontre, un nouveau boulot, 2 FIV...j'ai survécu à tout ça. Et parfois, aller simplement travailler ou aller faire mes courses est insurmontable. C'est aussi ça, ce mal, une incohérence. Inexplicable. Une peur totalement disproportionnée. Mais que l'on ressent physiquement, violemment.
Pendant les 6 mois que je viens de passer à la maison, j'ai vécu quasiment normalement. La petite fleur a pris toute la place. A focalisé toutes mes angoisses. Je reprends le travail dans 15 jours. Et depuis 1 mois, j'y repense tous les jours. Je déroule le film de ma reprise pour que le jour J, tout me soit si familier qu'il me sera impossible de me laisser dépasser par ma peur. ça va fonctionner, je n'ai pas le choix. Et surtout je l'ai déjà fait par le passé.
Parfois j'aimerai vivre normalement, me sentir libre et complètement autonome. J'aimerai avoir seulement le stress du boulot et pas en plus le stress d'arriver jusqu'à mon bureau.
Difficile à comprendre, non?